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Communiqué
- 18 mars 2015
Prostitution : la pénalisation nuit gravement à la santé
Les 30 et 31 mars prochains, la proposition de loi sur la
prostitution sera examinée en première lecture au Sénat. Nous, associations de
santé qui travaillons au plus près des prostituéEs, avons
à maintes reprises alerté les parlementaires sur les risques sanitaires et les
violations de droit que constituait ce texte pour les personnes concernées.
Dans son avis rendu en juillet 2014, la commission spéciale du Sénat a entendu
certaines de nos recommandations : elle a confirmé l'abrogation du délit de
racolage et supprimé l'article 16, qui visait à pénaliser les clients. Si cet
avis ne permet pas de dissiper nos inquiétudes sur le caractère globalement néfaste
d’une loi spécifique sur la prostitution, il reconnaît néanmoins que pénaliser le
racolage ou pénaliser les clients, c'est d'abord pénaliser les prostituéEs et entraver dangereusement leur accès à la
santé et aux droits.
Voté il y a douze ans jour pour jour, le délit de racolage
a largement dégradé les conditions de santé et d'exercice des personnes qui se
prostituent. Rejetées de l'espace public, moins accessibles aux associations
de soutien et de prévention, elles sont aussi davantage exposées aux violences
et aux risques, et moins en capacité de négocier des rapports protégés. Voilà
le bilan d'un article de loi absurde guidé en 2003 par des préoccupations
morales et sécuritaires.
Or la pénalisation des clients répond aux mêmes postures
idéologiques, ignorant délibérément la réalité de terrain et le vécu des
personnes concernées. Tout laisse donc à penser qu'elle sera suivie des mêmes
effets. Le "modèle" suédois, cité en référence par les partisans de
la pénalisation, a d'ailleurs été vivement critiqué dans une série de
publications du journal médical The Lancet[1] en juillet 2014. Qualifié
de "pire modèle qui puisse
exister" il s'est traduit par de graves violations de droits pour les
personnes qui se prostituent et une exposition accrue aux violences et au VIH. Ce
bilan est d'ailleurs parfaitement en phase avec les nombreux avis rendus ces
dernières années par les institutions internationales (PNUD, OMS, ONUSIDA) ou françaises
(CNS, IGAS, CNCDH).
La Commission spéciale du Sénat a, elle aussi, fait valoir que la pénalisation des clients "serait inefficace pour lutter contre
les réseaux et placerait les prostituées dans un isolement encore plus
grand". Nous approuvons cette
position et demandons aux parlementaires de la confirmer en séance.
Nous appelons
sénatrices et sénateurs à rejeter toute mesure coercitive ou stigmatisante à l'égard des prostituéEs.
Nous les invitons à concentrer leurs efforts sur la lutte contre la traite et pour
un accès inconditionnel aux dispositifs de droit commun d'accompagnement social
et sanitaire.
Ne sacrifions pas la
santé et la sécurité des personnes concernées par la mise en place de mesures répressives
dont elles seraient à nouveau les premières victimes.
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Contacts
presse :
Antoine
Henry (AIDES) - 06 10 41 23 86
Aurélie
Defretin / Lisa Veran (Médecins du Monde) 01 44 92 13 81 / 14 31 // 06 09 17 35 59
[1] The Lancet, HIV and Sex workers, July 2014, P66 "Human rights violations against sex workers: burden and effect on HIV". Decker, Crago, Chu, Sherman, Seshu, Buthelezi, Dhaliwal, Beyrer.